Même si les tests d’utilisabilité peuvent être intimidants à réaliser, ils sont incontournables pour s’assurer de l’accessibilité de la plateforme. Même si une personne experte peut relever une importante quantité de problèmes d’accessibilité, rien ne peut remplacer les commentaires faits par des personnes vivant des enjeux d’accessibilité numérique.
Ces tests permettront de s’assurer de repérer les derniers obstacles liés à l’accessibilité. Ils permettront aussi de s’assurer que le site est cohérent et navigable. Pensons par exemple à une manipulation qui est techniquement faisable, mais qui demande à une personne ayant une limitation fonctionnelle de réaliser une tonne de manipulations complexes Les entreprises ne demanderaient pas à une personne sans limitation fonctionnelle de passer 30 minutes à remplir un formulaire d’inscription, parce qu’elles savent que personne ne le remplirait. Il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne ayant une limitation fonctionnelle passe ce même 30 minutes pour remplir un court formulaire.
Pour simplifier la réalisation de tests d’utilisabilité, nous avons décortiqué la mise en place de ces tests en plusieurs étapes. Vous pouvez choisir de faire affaire avec une firme externe pour la réalisation de ces tests, mais assurez-vous que cette firme respecte les stratégies mises de l’avant dans ce document, sous peine d’avoir des résultats ayant peu de valeur.
Définir l’approche
Avant de commencer à recruter des gens, il faut penser à la forme que prendront vos tests d’utilisabilité. Il y a deux approches possibles pour la réalisation de ces tests :
- Faire parcourir aux individus tout le contenu d’un petit échantillon de pages représentatives;
- Faire réaliser aux individus différents scénarios d’utilisation
Le parcours complet d’un échantillon de pages va confirmer l’utilisabilité de tous les éléments. Quant aux scénarios d’utilisation, ils permettront de détecter davantage les problèmes de compréhension et de navigation. Ils seront également utiles pour valider les fonctionnalités qui nécessitent un parcours en plusieurs étapes. Ces étapes doivent être réalisées sans obstacle, du début à la fin, pour compléter le processus avec succès. Peu importe la méthode choisie, assurez-vous que les tests visent des tâches courantes de votre plateforme numérique.
La présence d’une personne experte en accessibilité numérique sera d’une aide précieuse pour coordonner ces tests, car ils doivent être observés par une personne qualifiée pour prendre en notes tous les obstacles rencontrés. Impliquez-la le plus tôt possible dans le processus. Si vous n’êtes pas en mesure de confier la réalisation de ces tests à une personne experte en accessibilité, assurez-vous que la personne qui les coordonne a une bonne compréhension de l’accessibilité numérique et que les personnes qui accompagnent les testeurs et les testeuses ont de bonnes notions en développement Web.
Définir le mode de fonctionnement
Une fois que l’approche est définie, il est important de décider du fonctionnement des tests. Plusieurs organisations aiment faire des tests d’utilisabilité en présentiel, dans leurs locaux. Cependant, avant de privilégier cette option, vous devez vous poser plusieurs questions :
- Est-ce que mes locaux sont accessibles? Est-ce qu’une personne se déplaçant en fauteuil roulant pourra accéder à un lieu choisi? Est-ce que cette personne pourra utiliser la salle de bain?
- Est-ce que les ordinateurs que nous avons contiennent les logiciels adaptés dont les personnes auront besoin et avec lesquels elles sont familières? Si oui, est-ce que la personne est familière avec la version du logiciel que vous avez? Sinon, est-il réaliste de demander aux gens d’apporter leur appareil? C’est une chose de demander à quelqu’un d’amener son téléphone portable, mais ce n’est pas tout le monde qui a un ordinateur portable. Il est irréaliste de demander à quelqu’un de se déplacer avec son ordinateur de table. Ajoutons que les tests seront plus efficaces si la personne est familière avec son environnement de travail.
- Est-ce que l’organisation des bureaux permettra à une personne d’installer son matériel adapté supplémentaire, comme une plage braille?
- Est-ce que nous serons en mesure de fournir des personnes accompagnatrices pour s’assurer que la visite des personnes se passe bien?
Devant ces limites, plusieurs organisations se tournent vers les tests d’utilisabilité à distance. Avec les logiciels de vidéoconférence avec partage d’écran et de son, c’est quelque chose qui est de plus en plus courant. Ce n’est cependant pas parfait et cela a plusieurs limites :
- Vous devez vous assurer que la plateforme que vous souhaitez utiliser est accessible et conforme avec le niveau de sécurité de votre organisation. Pensons à la plateforme Zoom qui présente selon nous le plus haut niveau d’accessibilité parmi des plateformes de vidéoconférence, mais qui n’est pas jugé sécuritaire par plusieurs organisations.
- Si la plateforme que vous souhaitez tester contient des informations confidentielles, il peut être difficile d’obtenir une connexion à distance. Pensons à une institution bancaire qui ne souhaite pas donner des accès à distance à une plateforme en développement.
- Si vous souhaitez faire des tests sur une application, le partage de l’écran et du son demande des connaissances techniques parfois hors de portée des testeurs et des testeuses.
- Les personnes participantes doivent être assez à l’aise avec des logiciels de vidéo pour pouvoir partager l’écran et le son.
- Les personnes participantes doivent avoir une connexion internet stable.
Il est également possible de se déplacer directement chez les utilisateurs afin de réaliser des tests dans un environnement qui leur est familier et optimal. Cette approche permet d’observer les comportements dans un cadre naturel, ce qui peut enrichir la qualité des données recueillies. Toutefois, cette méthode soulève des enjeux importants liés au respect de la vie privée. En effet, certaines personnes peuvent se sentir mal à l’aise à l’idée de recevoir des visiteurs chez elles, même dans un contexte professionnel. Il est donc essentiel d’obtenir un consentement éclairé et de s’assurer que les participants se sentent en confiance tout au long du processus.
En bel entre-deux consiste à réaliser les tests utilisateurs au sein d’associations représentant les personnes ayant une limitation fonctionnelle lorsque c’est possible. Ces milieux offrent généralement un cadre adapté tout en permettant de rencontrer des participants dans un environnement semi-contrôlé. Cela favorise la participation volontaire, tout en respectant la vie privée et les besoins spécifiques des individus.
Commencer le recrutement
Une fois que vous aurez une idée de la manière dont se dérouleront les tests, il est temps de commencer à penser au recrutement d’un groupe de personnes ayant des limitations fonctionnelles.
Le groupe que vous mettrez en place doit être représentatif sous deux grands aspects.
Premièrement, vous devez vous assurer d’avoir des gens avec des capacités numériques variables. En effet, les personnes très à l’aise avec l’informatique ont souvent développé des manières de contourner des embûches qui ne sont pas à la portée de tout le monde. À l’opposé, une personne qui utilise rarement ou jamais le numérique n’aura pas nécessairement les connaissances de base pour utiliser les outils d’adaptation de manière adéquate. Pour éviter de biaiser les résultats, il faut s’assurer que les personnes recrutées aient une littératie numérique moyenne.
Deuxièmement, il faut s’assurer que votre groupe de personnes inclut des personnes de l’ensemble des personnes ayant des limitations fonctionnelles pouvant bénéficier de l’accessibilité numérique. Le groupe idéal inclurait :
- Des personnes ayant une limitation visuelle utilisant un logiciel de lecture d’écran avec et sans plage braille.
- Des personnes ayant une limitation visuelle utilisant un logiciel de grossissement d’écran.
- Des personnes ayant des limitations motrices qui naviguent en utilisant le clavier uniquement.
- Des personnes ayant des limitations motrices naviguant avec des outils adaptés comme le contrôle par le souffle ou par le mouvement des yeux.
- Si votre plateforme numérique contient du contenu audio, des personnes ayant des limitations auditives. Vous devrez probablement prévoir des interprètes pour conduire des tests d’accessibilité avec des personnes sourdes.
- Des personnes ayant des limitations cognitives pour évaluer la concentration et la facilité de compréhension de votre plateforme.
Finalement, n’oubliez pas que vous demandez du temps et de l’expertise à des personnes. Celles-ci sont en droit d’obtenir un dédommagement. D’ordinaire en 2025, il est de coutume d’offrir entre 50 et 100$ de l’heure aux personnes réalisant des tests d’utilisabilité en fonction des moyens de l’organisation et du travail demandé.
Maintenant que vous avez défini les modalités de tests, vous pouvez vous tourner vers les associations représentant les personnes ayant des limitations fonctionnelles pour diffuser votre offre. D’ordre général, une offre contient :
- L’approche (analyse de pages ou scénarios)
- Le nombre d’heures requis.
- Les modalités de participation. Si les tests se font à distance, précisez les logiciels à maîtriser.
- Les modalités d’inscription
Il est essentiel de s’assurer que l’ensemble du processus d’inscription et de participation est accessible. Utiliser un logiciel de prise de rendez-vous en ligne inaccessible pour réserver une date est une erreur courante qui débute très mal une collaboration. La réalisation des tests
C’est maintenant le temps de réaliser les tests! Il existe plusieurs méthodes pour procéder à des tests d’utilisabilité, en voici une qui a fait ses preuves, tant avec l’approche d’analyse de page qu’avec l’approche par scénario.
Chaque test se fait avec une personne ayant une limitation fonctionnelle et une personne experte en accessibilité numérique. Si vous n’avez pas de personne experte, vous pouvez faire le test avec une personne responsable du développement de votre plateforme. Cet accompagnement est essentiel. En plus de prendre des notes sur les obstacles à corriger, elle pourra aider à s’assurer de l’efficacité d’un test. Prenons un exemple concret. Vous demandez à une personne aveugle d’aller consulter les heures d’ouverture de votre organisation. La page contenant les informations n’est pas détectable par le logiciel de lecture d’écran. Plutôt que de laisser la personne chercher jusqu’à perdre patience, la personne assurant l’accompagnement pourra simplement noter le problème et passer à un autre scénario.
Si vous faites les tests en présentiel, assurez-vous que la personne assurant l’accompagnement puisse voir l’écran et entendre l’ordinateur. Si vous faites des tests à distance, assurez-vous que la personne ayant une limitation fonctionnelle partage son écran et le son de l’ordinateur. Ceci est particulièrement important lorsque vous accompagnez une personne utilisant un logiciel de lecture d’écran.
Rédaction d’un rapport
Une fois que l’ensemble des tests sont réalisés, la personne responsable de l’accompagnement pourra rédiger un rapport sur les corrections à apporter. Nous vous suggérons de classer les corrections à apporter en trois catégories :
- Les corrections urgentes, qui empêchent les personnes d’utiliser la plateforme.
- Les corrections importantes, qui nuisent à l’utilisation de la plateforme.
- Les corrections à faire, qui nuisent au confort de navigation.
Cas d’exception
La procédure que nous vous proposons est adaptée à la majorité des situations. Voici deux cas où cette procédure n’est pas adaptée, avec des façons alternatives de procéder à des tests.
Premier cas de figure : Si vous réalisez des tests sur des plateformes qui contiennent des informations sensibles. Par exemple, si vous souhaitez évaluer l’accessibilité d’une plateforme permettant de consulter son dossier médical. Il n’est pas adéquat d’observer quelqu’un qui navigue sur sa plateforme personnelle! Dans un cas de figure comme celui-ci, deux avenues sont possibles. Vous pouvez donner accès à une plateforme fictive pour permettre la réalisation des tests. Si cette option n’est pas possible, il est recommandé de recruter des personnes ayant de très bonne compétence informatique et de leur fournir des scénarios précis accompagné d’un questionnaire permettant de rapporter différents problèmes d’accessibilité rencontrés.
Deuxième cas de figure : Si vous souhaitez analyser des obstacles d’accessibilité qui sont trop abstraits pour être intégrés à un scénario ou à une analyse d’un échantillon. Vous pourriez par exemple vouloir évaluer les difficultés de compréhension rencontrée par des personnes ayant une déficience intellectuelle. Une approche individuelle par scénario ou par échantillon de pages ne permettra probablement pas d’obtenir des résultats intéressants. Nous vous proposons plutôt de procéder à des groupes de discussion avec des exemples concrets que les personnes pourront commenter.